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par Benjamin Ferret
La Fête des vendanges avait lieu hier. De la récolte des grappes au pressage du fruit de la vigne, le public s'est offert une plongée dans le passé.
«On a du mal à le croire mais autrefois, la Chalosse était un vignoble où chaque colline était couverte de vignes », souffle Maurice Gassie. Si Robert Parker et ses notes ne sont jamais venus à Montfort-en-Chalosse, le président des Amis du musée de la Chalosse a un sourire bienveillant dès qu'il pose son regard sur les rangées de vignes qui strient la parcelle. C'est jour de vendange en terres de Lahosse ; une tradition bien établie depuis 1990 et instaurée afin que les jeunes générations n'oublient pas les gestes des anciens.
Vigne bio de cépage baroque, histoire que chacun puisse succomber à la gourmandise de faire craquer sous la dent un grain de raisin tout juste coupé. Récolte à la main encadrée par une équipe en tenue de l'ancien temps. Fruit de la vigne tiré par des bœufs et mise en route du pressoir vieux de 200 ans. Tout y est, même l'accent roulant des viticulteurs chalossais, résurgence d'un temps en train de mourir.
« Des gestes à transmettre »
Quoique. Yonas, 6 ans et le cheveu court, peine à porter le seau débordant de grappes coupées par quelques-uns des membres des nombreux clubs du troisième âge venus se remémorer leurs jeunes années.
Petit-fils de fermiers, le garçon est un habitué de ces vendanges à l'ancienne, comme son père, Joël. « Ma génération a perdu le goût de la terre mais aujourd'hui, les paysans ont disparu. Il n'y a plus que des exploitants agricoles et des gestes que l'on doit transmettre à nos enfants pour qu'ils ne se perdent pas. »
Rang après rang, les vendangeurs se succèdent dans le champ. Des navettes ont même été mises en place depuis le bourg, pour le plus grand plaisir des nombreux curistes ayant fait le déplacement. À défaut de vin, Jacques boit du petit-lait. Retraité jovial venu d'Urt, il s'active. « Vous avez vu comme on avance ? On n'est pas si vieux. » La vendange lui rappelle ses années libyennes, de 1981 à 1986, à réparer les avions pour Dassault. « Un copain avait de la vigne avec un raisin très noir. Je me faisais mon pinard qu'on pressait à pieds nus dans des bidons posés sur la plateforme d'un 4x4. »
L'un des cinq pressoirs romain
Une nostalgie que l'assistance a sûrement retrouvée au moment où le pressoir du Musée de Chalosse livra son premier jus de l'année. Une poutre de chêne de plus de 8 mètres actionnée par une vis à l'extérieur de la cuve qui vient appuyer sur des madriers de bois. Un pressoir de type romain, comme il n'en existe pas plus de cinq en France.
Une rareté mise en action une fois l'an pour fêter les vendanges en Chalosse. Celles que s'apprête à faire une nouvelle fois Pierre Lalanne, vice-président de la Cave des vignerons landais venu animer la récolte. « Il ne reste que 150 hectares en Chalosse. Bon an mal an, cela nous donne de 8 à 9 000 hectaux de vin, dont 70 % de rouge. » Le blanc, lui, est digne d'un « vin de soif », vestige d'un temps où les goûts n'étaient pas formatés.
Des saveurs d'un passé oublié, avant que le canard gras ne pose ses palmes sur ces vallons et ne supplante la vigne, selon Maurice Gacie. « Cela n'a fait qu'accentuer un déclin entamé avec la commercialisation des vins du Languedoc grâce au chemin de fer. Sur les 1 000 hectares de la commune de Monfort, 380 hectares étaient des vignes.»